« Recettes de la Loire », un livre pour donner faim

25 chefs proposent 23 recettes traditionnelles de plats typiques du département.

« Recettes de la Loire », un livre pour donner faim

Les râpées du dimanche midi chez la grand-mère, les matefaims en rentrant de l’école, un pâté chaud le midi... Des plats typiques de la Loire, dont on aime se régaler. Au resto, trouver une salade forézienne, c’est facile. Mettre la main sur une fricaude l’est un peu moins. La gastronomie ligérienne a tendance à passer à la trappe. Pour pallier cet oubli, Guillaume Jouve, gourmet parisien débarqué à Saint-Étienne il y a déjà plusieurs décennies, a édité un livre de cuisine : Recettes de la Loire. Un carton. Les 1 500 exemplaires du premier tirage ont déjà été vendus et le même nombre est en cours de réimpression. « Les Ligériens sont humbles, modestes même, analyse-t-il en remontant ses lunettes. Mais dès qu’ils peuvent clamer l’amour de leur territoire, ils se ruent dessus. » Le succès de l’ouvrage le raconte en témoigne bien.

« On leur dit “chiche” »

Le projet est né en mai dernier de l’amour de l’équipe de La Petite boussole, agence de communication et maison d’édition, pour la Loire et Saint-Étienne. « On est allé voir les chefs et les restaurateurs parce que nous ne sommes pas cuisiniers, se marre Guillaume Jouve. On leur a dit “chiche”. Certains nous ont répondu que nous étions fous et nous ont suivis. D’autres ont répondu que nous n’étions que des fous ; ils le regrettent aujourd’hui. »

Le défi est lancé, 23 recettes traditionnelles passent dans les mains de 25 chefs : fricaude, pâté chaud, barboton, matefaim... « Autant de plats typiques mais oubliés que nous avons proposés à des chefs innovants ! » À la fois du salé et du sucré, de la gastronomie classique ou revisitée. Derrière les fourneaux, on peut trouver un chef étoilé (Antoine Bergeron), un boulanger (Fouilla) ou un Gaec avec La Ferme des délices. De la bonne cuisine, pour tous.

« On a rencontré chaque chef et pendant trois, quatre, cinq heures, il nous décrivait le processus, la recette, détaille Guillaume Jouve. Nous voulions vraiment compiler ce qui fait parfois défaut dans les livres de cuisine, comme la photo des ingrédients bruts. Nous avons capté certaines étapes en photos pour avoir le geste technique : c’est le genre de clichés dont on a besoin quand on cuisine. »

« Tous ont joué le jeu à fond »

Guillaume Jouve s’enthousiasme : « Travailler avec les chefs était passionnant. Ils ont tous cuisiné des produits locaux. Nous n’avons rencontré que des amoureux à la fois du territoire et de leur métier. Tous ont joué le jeu à fond ! » Cerise sur le gâteau, l’équipe a dégusté chaque plat. Et s’est régalée. « On est fiers de les mettre en lumière aujourd’hui. » 
Certaines compositions ont été créées spécialement pour le livre, comme la religieuse à la fourme. « Un plat qui ne pouvait être inventé que chez nous ! » s’exclame Guillaume Jouve. Certains restaurateurs se sont emparés du cahier des charges pour revisiter les classiques : « Ces plats, on ne les retrouve pas à toutes les tables. Les chefs étaient fiers de les proposer à leurs cartes. » Et ils semblent avoir remporté l’adhésion des clients.

Le livre est sorti à l’occasion du plus gros événement littéraire de Saint-Étienne : la Fête du livre, qui se tenait mi-octobre. L’éditeur ne cache pas sa fierté : « Un carton plein. Nous avons écoulé autant d’exemplaires que Dominique Rocheteau, qui était la meilleure vente de la librairie de Paris. » Julian Seguin, chef de projet pour La Petite boussole, abonde : « Dès le premier des trois jours, nous avions épuisé le stock prévu pour tout le week-end et la foule ne désemplissait pas. L’affluence nous a surpris, on nous achetait parfois cinq livres d’un coup ! » Certains font du chemin : Canada, États-Unis... « Une cliente en a expédié un à son fils, restaurateur à New-York. Elle voulait lui envoyer un bout de la Loire. »

Malgré le succès de l’ouvrage, l’éditeur s’interroge, ne comprend pas pourquoi ces plats ne figurent sur aucune carte – ou presque – du bassin stéphanois, si ce n’est ligérien. « Je trouve ça fou que les frites soient l’accompagnement proposé par défaut chez nous alors qu’on a des râpées ! » Julian Seguin, rebondit : « Au resto, si on me propose un matefaim maison avec un peu de sirop d’érable, je n’hésite pas longtemps entre ce dessert ou un moelleux au chocolat... » Guillaume Jouve lève les yeux au plafond, pensif, et lâche : « Un bon livre doit donner faim. »

Alexandra Pacrot