Éléments d’autodéfense intellectuelle

Les fêtes de fin d’année sont, pour beaucoup, synonymes de rassemblement. Repas de famille, soirée entre amis, autant de situations propices à la discussion et aux sujets sensibles. 

Éléments d’autodéfense intellectuelle

Bien entendu, il est possible de rester seul chez soi pour les éviter ou de s’en éloigner en changeant de place plus ou moins discrètement afin de ne pas plomber l’ambiance. Il est possible également d’arriver avec quelques arguments en poche. Pour vous aider, Couleur Forez mag a compilé des éléments de réponse sur six thématiques. Second degré exigé !

« Tu ne boycottes pas la Coupe du monde au Qatar ? »

Comment passer à côté ? C’est LE débat de cet automne ! Depuis quelques semaines et jusqu’au 18 décembre, date de la finale, des millionnaires (pour certains des participants seulement) courent derrière un ballon dans des stades climatisés lors d’une Coupe du monde exceptionnellement organisée à l’automne par un pays qui l’a obtenu dans des conditions discutables. Dit comme cela, évidemment, ça fait beaucoup… Sans faire l’autruche, pourquoi un amateur de football devrait-il manquer cet événement phare qui n’a lieu que tous les quatre ans alors que ce sont les puissants de ce monde, parmi lesquels des Français, qui ont choisi ce pays ? On peut aussi se demander s’il n’y a pas un délit de sale gueule : en 2018, on a entendu moins de monde cibler la Russie, qui occupait pourtant depuis quatre ans déjà une partie de l’Ukraine ? en 2014, qui a demandé l’annulation du mondial brésilien, le pays étant englué dans des manifestations populaires ? en 1978, n’a-t-on pas laissé l’Argentine organiser l’événement alors que la dictature au pouvoir faisait disparaître quelque 30 000 opposants ? On peut douter aussi des véritables motivations des grandes villes françaises, si promptes à annoncer qu’elles n’installeraient pas d’écran géant pour diffuser les matches. En ces périodes d’économies, qui s’y serait risqué avec la probabilité de faire un bide en raison des incertitudes climatiques (froid, pluie) ? Enfin, le fait que la compétition se déroule au Qatar a obligé ce pays, plutôt réfractaire au concept de liberté de la presse, à ouvrir ses portes aux journalistes, leur permettant de mettre en lumière certaines problématiques.

« Quoi ? T’as pas encore vu [la dernière série à la mode] ? »

Dans le sillage de Netflix, le développement des plateformes de streaming a fait des séries un incontournables des conversations. Difficile d’y couper, que ce soit à la machine à café le lundi matin, en soirée et, bien entendu, lors des fêtes de fin d’année… Chacun va citer ses œuvres préférées ou les dernières qu’il a vues et, à un moment, la discussion évoquera la série événement du moment. Si vous n’avez pas eu le temps ou l’envie de la regarder, plusieurs échappatoires vous attendent : avoir rattrapé votre retard avant ces retrouvailles (pas évident), dire que cela ne vous intéresse pas (ça jette un froid) ou que votre chien a mangé votre télécommande (pas crédible). Plus malin, vous pouvez esquiver en disant vouloir attendre que toutes les saisons soient disponibles afin de visionner tous les épisodes à la suite histoire de mieux apprécier (on en connaît). Enfin, vous pouvez attaquer de manière frontale en rappelant que les séries les plus populaires ne sont pas forcément les plus grands chefs d’œuvre. Citez alors The Wire, Breaking bad, Les Soprano ou encore Mad men, sans doute moins connues du grand public que Game of thrones, La Casa de papel et autres The Walking dead, mais bien plus reconnues des experts.

« Bah alors, le bébé, c’est pour quand ? »

Mesdames, si vous avez entre 30 et 50 ans, vous avez forcément déjà entendu cette question indiscrète. Pourtant, qui, à part vous, est concerné par ce qu’il se passe à l’intérieur, si ce n’est votre partenaire (et encore…)  ? Santé, carrière, stabilité, bien-être, partenaire ou simplement manque d’envie, les raisons de ne pas vouloir procréer sont multiples et toutes légitimes. Eh oui, faire un enfant c’est être prêt à s’en occuper tous les jours pendant les 18 années suivantes (minimum). Alors bien sûr, ce n’est pas donné à tout le monde. Et puis on est déjà 8 milliards d’êtres humains sur terre, alors un de plus, un de moins… Mesdames et messieurs, si vous posez cette question, sachez qu’elle est très indélicate… et on n’est plus au XVIIIe siècle : les femmes font (en général) ce qu’elles veulent. Enfin, si vous êtes en plein projet bébé, que vous voulez rester discrète ou que vous avez des difficultés à concevoir, vous pouvez tout simplement changer radicalement de sujet. Personne ne s’attend à une réponse précise en posant cette question, sans compter que toute pression extérieure, dans ces cas, pourrait avoir des conséquences néfastes.

« Tu es sûr de vouloir te resservir ? »

Pour que les choses soient claires, cette question relève de la grossophobie (discrimination des personnes en surpoids ou obèses) ordinaire : elle ne se pose pas. D’abord parce que ce qu’il se passe dans votre assiette ne devrait pas être scruté par une autre personne que vous. Ensuite, parce que si vous avez encore faim, si vous vous sentez bien dans votre corps, si vous êtes en bonne santé, il n’y a pas de raison de se priver… surtout en cette période de fêtes. Vous pouvez donc remercier la personne de s’inquiéter et lui proposer de garder ses conseils nutritionnels pour elle car, jusqu’à preuve du contraire, vous êtes toujours le/la plus apte à connaître vos besoins. Les plus sanguins répondront : « Oui, et utiliser ma fourchette m’empêche de te tuer avec. » 

« Les politiques, tous pourris »

Aaaah, qui n’a jamais entendu cette déclaration emplie de bon sens (ironie) et faussement ouverte à la discussion. Concrètement, comment contre-argumenter une idée si arrêtée ? Souvent, la réponse politiquement correcte pour ne pas virer au drame est de hocher la tête presque machinalement ou de feinter d’avoir entendu. Mais intérieurement, vous bouillonnez devant les banalités déprimantes de cet individu, un membre de votre famille plus ou moins éloigné. La politique est l’affaire de tous et, comme pour l’ensemble des sujets, les goûts et les couleurs ne se discutent pas. Plusieurs réponses vous sont donc conseillées : une vision claire et lucide (« Si c’est ce que tu penses, c’est ton droit ! ») à laquelle succède un prompt changement de sujet ; ou une version plus aboutie : énumérez quelques décisions positives qui ont fait du bien à notre pays et rappelez l’investissement sans compter des élus locaux. De quoi clore pacifiquement ce non-débat.

« Je n’ai pas bu depuis deux heures, ça va, j’peux conduire pour rentrer »

Avec l’alcool, on ne plaisante pas ! Encore moins quand cela implique que des invités reprennent le volant, qui plus est à une heure tardive. S’il semble logique de passer la nuit chez son hôte lorsque les verres défilent, la raison se fait parfois dominer par l’ébriété et l’enthousiasme effervescent après avoir passé une bonne soirée. Si l’idée de confisquer ou cacher les clés est brutale et peut mener à une surenchère, jouer la carte de la raison ou du sentimental peut s’avérer être une excellente alternative. Mentionnez l’impact que pourrait avoir la perte d’un permis pour leur emploi ou leur vie quotidienne ; ou encore la conséquence d’un accident de la route fatal dans une famille. Souvent, le retour à la réalité par des phrases-chocs et des scénarios terribles peut ramener au bon sens le principal intéressé. Et par la même occasion, sauver des vies.